Résumé :Déporté à Buchenwald en septembre 1943, Jorge Semprun est libéré par les troupes de Patton, le 11 avril 1945. L’étudiant du lycée Henri-IV, le lauréat du concours général de philosophie, le jeune poète qui connaît déjà tous les intellectuels parisiens découvre à Buchenwald ce qui n’est pas donné à ceux qui n’ont pas connu les camps : vivre sa mort. Un temps, il va croire qu’on peut exorciser la mort par l’écriture. Mais écrire renvoie à la mort. Pour s’arracher à ce cercle vicieux, il sera aidé par une femme, bien sûr, et peut-être par un objet très prosaïque : le parapluie de Bakounine, conservé à Locarno. Dans ce tourbillon de la mémoire, mille scènes, mille histoires rendent ce livre sur la mort extrêmement vivant. Semprun aurait pu se contenter d’écrire des souvenirs, ou un document. Mais il a composé une oeuvre d’art, où l’on n’oublie jamais que Weimar, la petite ville de Goethe, n’est qu’à quelques pas de Buchenwald. La mort côtoyée quotidiennement par l’auteur, alors âgé de 19 ans, lors de son incarcération pendant seize mois à Buchenwald, est omniprésente dans ces mémoires-essai. Et pourtant l’oeuvre regorge de vie : récits et anecdotes sur le quotidien au camp d’extermination, analyses philosophiques, « descentes dans les profondeurs de l’âme », discussions animées sur Goethe, Hegel, Kant, Char, Rimbaud, Nietzsche, Schelling, Brecht, etc. Un grand livre qui répond à deux questions fondamentales : comment vivre « quand on revient du néant ? Et comment écrire à partir de ce néant » ?
Critique :
Les premières pensées qui me vinrent à l’esprit au moment où je refermais ce livre, furent que je tenais dans ma main le livre de toute une vie. Toute une vie au long de laquelle Jorge Semprun fut constamment contraint, comme le précise le titre mais aussi comme il l’explique dans ce récit, de choisir entre vivre sa vie ou écrire un passé insurmontable qui inlassablement le renverrait à la mort ; sa mort. Par d’autres lectures, je savais l’ignominie, la barbarie nazie s’exerçant dans les camps de concentration. En lisant « l’écriture ou la vie », j’ai perçu intensément le silence des déportés à leur retour, leur impossibilité à dire « cette mort vécue ». Pas ou si peu de descriptions, presque pas de détails ou alors, pas ceux qu’on « attendrait », mais un hymne à la vie, ou la mort, mais c’est presque pareil dans ces circonstances-là.