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Deux artistes au camp des Milles : Max Ernst et Hans Bellmer

mardi 19 janvier 2016, par COLOMBO Julia

Deux artistes Allemands au camp des Milles : Max Ernst et Hans Bellmer

Au début de la seconde Guerre Mondiale en septembre 1939, le camp des Milles, qui était à l’origine une usine, une tuilerie, devient un camp pour les Allemands qui vivaient en France et qui désormais étaient considérés comme "sujets ennemis" même s’ils avaient fui l’Allemagne nazie. Parmi eux, beaucoup d’intellectuels et d’artistes étaient dans ce "camp de rassemblement " comme Max Ernst et Hans Bellmer.

Max Ernst est un artiste allemand dont l’art a été qualifié par les nazis de "dégénéré". Il arrive à Paris en 1922 et se fait connaitre en tant qu’un des fondateurs de Dada. Il collabore par la suite avec Paul Eluard, leur travail en commun aboutit à la publication de deux livres : Répétitions et Les Malheurs des immortels, alliant des poèmes de Eluard et des collages de Ernst. En 1933, l’artiste est déclaré ennemi du Reich par les nazis, il est alors destitué de sa nationalité et devient alors apatride. En Septembre 1939, il est interné au camp des Milles, où il partage un dortoir (ancien four à briques) avec Hans Bellmer. Au camp, le registre d’expression de l’artiste reste mineur : pas d’huile sur toile et ses formats sont réduits. Le moral de Ernst dans le camp empiète sur les peintures et les sculptures qui sont faites avec moins d’ampleur et de hardiesse. Il est libéré en Novembre et retourne dans sa maison en Ardèche. Fin Avril 1940, il est de nouveau interné au camps mais grâce à l’intervention du journaliste américain Varian Fry, il sort fin Juin et émigre aux Etats Unis en 1941.

Dans son catalogue, six œuvres sont répertoriées comme provenant du camp des Milles. Voici une œuvre :

 

 

 

 

Apatrides, 1939

Cette œuvre est un dessin fait au crayon. Elle représente des limes, outil fantasmatique du prisonnier.

Le mot " Apatrides" signifie "être sans patrie".C’est le sentiment de beaucoup des internés. En effet, pendant la première partie du camp, beaucoup des artistes juif-allemands ont perdu leur nationalité allemande, sans pour autant avoir obtenu une autre nationalité : ils sont " apatrides ". Max Ernst essaye peut-être de representer deux nationalités différentes à travers ces deux limes ironiquement figurées pourvues de regards et de grandes pattes d’oiseaux ; l’une est noire et droite, tandis que l’autre a deux " jambes "et se confond avec la couleur du fond. C’est peut-être une façon de montrer que beaucoup de personnes de nationalités différentes ont été internées dans ce camp, et donc de montrer aussi la xénophobie de ceux qui les ont enfermés.

Hans Bellmer est un artiste allemand dont l’art était lui aussi qualifié par les nazis de "dégénéré", il quitte l’Allemagne après la mort de sa femme et se dirige vers Paris. En 1935,la revue Minotaure publie ses photographies dans un ouvrage intitulé La Poupée. L’artiste est invité dans plusieurs galerie surréalistes au cours de l’année 1936 et 1937. En 1939, Eluard, inspiré par les clichés de Bellmer, écrit quatorze poèmes en prose qui paraissent dans le n°2 de la revue Messages avec deux photos de Bellmer sous le titre de Jeux vagues de la poupée. Mais suite à un contrôle de la police, il est interné au camps des Milles où il partage une "chambre" (ancien four à briques ) avec Max Ernst. Durant son enfermement, il lit Baudelaire et Rimbaud, colorie des dessins anciens ou des portraits de ses proches et quelques unes des photographies des poupée qu’il a emportées avec lui. Après le départ de Ernst, Bellmer se lie d’amitié avec un nouvel interné, Ferdinand Springer. Le 30 Janvier, il est requis en tant que prestataire à Forcalquier. Après sa démobilisation au printemps 1940, il prend le maquis dans le Sud-ouest de la France jusqu’à la Libération.

Voici deux œuvres que Bellmer a fait pendant sa période d’enfermement dans le camps :

 

Les Milles en feu, 1941

Cette œuvre est une gravure avec un procédé d’impression à plat qui se nomme la lithographie.

Au premier plan, nous apercevons un visage d’une jeune femme. Ses cheveux dispersés se confondant alors avec la fumée qui s’élargit dans le ciel. Au second plan, à droite nous distinguons un visage d’une autre femme. À l’arrière plan ,nous remarquons que les deux visages se confondent avec des briques (obsession des internés). A gauche, nous reconnaissons la tuilerie (le camp des Milles). Et enfin, nous apercevons sur la tour à l’arrière plan, une tête de mort.

Pendant la première période du camp, seuls les hommes étaient enfermés, ce qui explique les nombreux visages de femme sur la gravure. Sur beaucoup d’œuvres d’autres artistes, on retrouve ce "manque" de femmes.

 

Sans titre, 1940

Cette œuvre est un dessin/peinture fait en crayon et en peinture. C’est de l’art abstrait.

Un seul plan, comme un dessin d’un portrait ou comme une photographie d’un objet exposé.

On peut supposer que l’artiste a dessiné un mur déformé. En effet, le camp des Milles était auparavant une usine de tuiles et était donc constitué de briques et de tuiles, une obsession constante chez les internés.

 

 

 

 

 

Ces deux artistes ont créé une œuvre ensemble où aucun des deux artistes ne supplante l’autre. Voici l’œuvre :

Créations, Les créatures de l’imagination, 1939

Cette œuvre est créée par différents outils : le crayon, la gouache et le collage sur papier brun.

Au premier plan, nous voyons une succession d’os, une sorte de squelette désarticulé et féminin qui prend la forme d’un fantôme. Au second plan, nous observons un mur en briques (obsession des internés car ils sont encerclés par des briques) avec des taches noires. Sur le mur, nous voyons un cadre entourant une "photo "où l’on voit deux jeunes femmes doucement attentives, qui examinent les corps allongés de deux hommes rêvant et dormant en costume de ville différent des habits des internés dans le camp. Enfin, nous observons un creux en forme de bottine à talon, renforcé la technique en perspective qui souligne sa profondeur dans l’ombre, ce sorte de squelette s’engouffre dans l’ouverture dans ce creux de paroi de briques.

De plus, on peut supposer que les deux hommes sont les deux artistes (il sont peur de la mort et la représente dans leur œuvre). Les femmes dessinées pourrait représenter leur manque envers leurs vraies femmes, car à cette période, seule les hommes sont internés. Les os, que tient l’homme mort rejoignent le talon de femme, peut-être est-ce des âmes qui s’en vont à travers cet échappatoire ?Les deux artistes vivaient dans des conditions horribles, ils savaient qu’ils allaient mourir , et ne se font de faux espoirs.

 

 

 

 

 

Mais nous constatons que cette œuvre a des ressemblances avec une œuvre faite à la sortie du camp par Bellmer. La voici :

 

 

Sans titre, 1943

Cette œuvre faite d’encre, de crayon, de gouache et de collage ressemble étrangement à l’œuvre Créatures, créations de l’imaginaire.

Nous apercevons le mur en brique, ensuite le creux en brique en forme de bottines à talon, et puis le cadre entouré d’os et enfin le sorte de squelette désarticulé comme dans l’œuvre précédente.

En premier plan, on observe un tas d’os déformé en forme cubique, au dessus un cadre d’os sans tableau à l’intérieur, qui part dans un trou en forme de bottine qui peut représenter le désir de retrouver sa femme ou une présence féminine comme dans le tableau précédent.

On observe également un mur en brique qui s’avère être une nouvelle preuve de leur obsession pour cette structure.

On en conclut que ces artistes ont été définitivement obsédés et traumatisés par leur passage au camp des Milles.

 

 

STANLEY Marianne, COLOMBO Julia, BONNET Manon 1°S2

 
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