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TL1 Le corps chez Levinas

mardi 5 mars 2013, par FERMAUD Ida

Le corps a été philosophiquement considéré de diverses manières, notamment dans son rapport à l’âme. Philèbe, par exemple, l’intègre à la sagesse, en affirmant qu’il ne faudrait pas exercer l’âme sans le corps ou le corps sans l’âme. Cependant, Platon le considère tout autrement, et par la violence que l’on peut lui infliger, il serait « le tombeau de l’âme » (soma /sema en grec). Dans tous les cas, le corps, lié à l’âme, permet à celle-ci un rapport direct au monde, et c’est dans ce rapport que les philosophes exposent leur point de vue. Certains basent cette réflexion sur le monisme, tels Épicure, Spinoza ou Merleau Ponty, celui-ci allant même jusqu’à dire « je suis mon corps ». Tandis que d’autres se basent sur le dualisme entre le corps et l’âme, dans le sens qu’ils seraient « réellement distincts », tout en ayant une union comme le dit Descartes, en la situant au niveau de la glande pinéale ; et il y’aurait même une idée de conflit entre ses deux substances.
Levinas se base sur l’éthique comme philosophie première ; Autrui est caractérisé comme l’Infini impossible à totaliser. Ainsi il aborde lui aussi le thème de la dualité entre le corps et l’âme, en particulier dans un article publié dans la revue Esprit en 1934, intitulé Quelques reflexions sur la philosophie de l’hitlérisme, où il pense le corps idolâtré par les nazis, dans le sens où quel que soit le conflit dans lequel se trouve le corps, c’est celui-ci, et non pas l’esprit, qui restera le plus influent, le plus fort. Nous pouvons donc nous demander quelle est l’explication de cette dualité entre le corps et l’âme telle qu’elle est présente dans la pensée occidentale, et quel est le point de vue de Levinas.
D’après lui, le désespoir causé par la souffrance, elle-même due à la douleur, est une manifestation de cette dualité entre le corps et l’esprit. Ainsi de la ligne 16 à 31 du livre cité, nous pouvons constater le point de vue de Levinas sur le corps et l’esprit, tandis que de la ligne 1 à 15, il interprète la douleur et son influence sur le dualisme selon la pensée occidentale.

Pour expliquer le passage qui nous est proposé, il faut commencer par analyser ce que Levinas pose comme base à son étude : que la douleur, en tant que perturbation physique subie ayant sa propre cause, de par son inéluctabilité en tant qu’effet d’une cause accomplie, est ressentie comme une impasse par le sujet qui la subie, qui se retrouve dans une position de lutte, de dualité du reste antérieure à la douleur, contre quelque chose sur lequel son ego, qui est le sujet opposé à son corps dans sa propre dualité, n’a aucun pouvoir ni contrôle. Il ressent « la simplicité indivisible de son être » (l. 2-3) comme un fardeau dont il cherche à se débarrasser en trouvant une « position de paix » (l. 5) et qui lui permettrait d’éviter la douleur.
Mais cette lutte étant vaine, la douleur persiste et le malade s’engage alors dans une seconde lutte découlant de la déception de ne pouvoir éviter la douleur : il tente de dépasser, en lui-même, cette douleur, il essaie de la laisser au corps, tente de s’en évader. Or comme l’explique Levinas, « cette tentative est d’ores et déjà désespérée » (l. 11), et de ce nouvel échec le malade en vient à un second état inhérent à cette lutte et effet de la dualité : la souffrance, ici perturbation purement mentale, de ne pouvoir éviter la douleur, de l’impuissance de l’ego sur son propre corps, et c’est , pour Levinas, « ce désespoir qui constitue le fond même de la douleur » (l. 14-15). Le malade en arrive donc à un cycle auquel il pense ne pas pouvoir échapper, dont la douleur est la cause et l’effet.

Dans la deuxième partie (l.16-31) Levinas décrit comment les Occidentaux dans leur ensemble, ont l’habitude de réduire la douleur à un simple concept, échappant ainsi à son analyse profonde. Levinas relève que les Occidentaux veulent échapper à la douleur plutôt que la dépasser, malgré qu’ils ressentent l’importance de celle-ci, et qu’elle ne peut être réduite à un simple concept. En effet elle est primordiale dans le rapport au corps, comme expliqué précédemment la douleur est absolue, elle constitue à elle seule, pour l’Occidental, le point de départ d’un cycle ’’dualisant’’ le rapport corps/esprit. Le rapport à la douleur qu’établit la pensée occidentale est erronée par ses conceptions trop matérialistes. Aussi Levinas rappelle la notion occidentale du corps considéré comme un « accident malheureux ou heureux » (l.23), signifiant la corps comme un obstacle dans lequel nous sommes logés sans avoir eu le bénéfice du choix. Ce dernier crée le rapport du sujet à la matière, car ici l’esprit, support du corps, est par définition opposé à la matière. C’est évidemment une conception très dualiste que Levinas se propose de dépasser. Dans son idée de l’adhérence du Moi au corps il faut penser le Moi comme la conscience individuelle, le fait de pouvoir dire ’’je’’, qui lui s’exprime dans la globalité et l’unité de l’être (autant dans le corps que dans l’esprit). Ainsi l’on peut dire ’’je suis mon corps’’ comme Merleau-Ponty, mais Levinas dirait être « tout un » . Cette union est irrévocable, Levinas nous dit que « l’on n’y échappe pas » (l.27) soulignant alors qu’il est inutile de ’’lutter contre son corps’’.
Ainsi Levinas exprime sa conception moniste de l’Homme tout en soulignant l’aspect brutal du fait d’Etre, par l’irrévocabilité du corps, en rappelant qu’il faut accepter et être ce déterminisme.

Nous pouvons donc affirmer que la pensée occidentale perçoit une dualité entre le corps et l’âme par la douleur, mais Levinas y voit plutôt une union. Car d’après les occidentaux, le corps serait subordonné à l’âme, car c’est lui qui est en contact avec le monde et qui le perçoit, tandis que l’âme, en retrait, se contente de recevoir les informations que lui transmet le corps. Et dans la douleur, le sujet, par peur de la souffrance, va rejeter son corps, tenter de se défaire de la douleur qu’il lui procure. Cependant, tel que le dit Levinas, la douleur serait une preuve que, certes, le corps et l’âme sont subordonnés, mais il y a tout de même une union entre ces deux substances. Le sujet occidental ne verrait alors que le support de la souffrance, sans en distinguer sa part bénéfique. Car elle prouve le rattachement de ce sujet au monde qui l’entoure, c’est une preuve de l’activité de sa perception, et donc, son rattachement à la vie.

Lucas Valentin, Soler Théo et Fermaud Ida TL1

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